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compte. J’aurais dû m’indigner de leur bassesse ; j’en ai ri, voilà mon seul tort envers eux. Ils s’en vengent en me noircissant aux yeux des princes, et en m’éloignant de la cour ; je leur pardonne ; mais s’ils parvenaient à m’enlever votre estime, ah ! Mathilde, je mourrais au désespoir.

« Je n’ose réclamer un mot de cette pitié que j’implore ; et pourtant il serait l’unique consolation d’un exil éternel. »

Comment retracer les sensations de douleur et de joie qu’éprouva madame de Lisieux après avoir lu et relu cette lettre ? Enfin l’amour d’Albéric lui était dévoilé, il pouvait y faire les plus grands sacrifices ; car en était-il un plus cruel pour un homme de son caractère que de convenir de ses torts envers le rival dont il brûlait de se venger ? et Mathilde devenait l’arbitre de ce bonheur qu’il voulait immoler pour elle. Que de ravissements dans cette pensée : « Il est malheureux, et je puis d’un mot changer sa destinée ! » Mais cette douce réflexion était empoisonnée par l’idée des nombreux obstacles qu’il fallait vaincre avant d’arriver à consoler Albéric de tous les maux qui le frappaient en ce moment.

Il fallait avant tout l’empêcher de partir, et obtenir de sa docilité le temps convenable pour amener madame d’Ostange à voir sa nièce braver l’opinion, en se consacrant à un homme dont chacun se croyait en droit