Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voue à ma honte, je me suis flatté un instant qu’il avait touché votre cœur ; et croyez-moi, aucun sentiment de vanité n’entrait dans cette espérance. Elle m’enivrait sans m’aveugler. Je sentais mon infériorité ; tout ce qui vous entourait me semblait plus digne que moi de cette préférence ; mais je sentais aussi qu’elle pouvait m’élever au niveau des hommes les plus distingués de notre siècle, car il n’est point de vertus, point d’actions héroïques dont votre amour ne m’eût rendu capable.

« Ne vous offensez point, madame, de cette illusion présomptueuse qui me coûte tant de regrets ; j’en suis assez puni par la profonde humiliation qu’elle vient de m’attirer. L’idée de renoncer à vous pour toujours, de vous voir appartenir à un autre, enfin la rage de mourir sans pouvoir me venger du malheur qui me tue, ont égaré ma raison au point de me porter à insulter l’homme que vous devez épouser. Une démence si coupable méritait un châtiment sévère ; je l’ai subi. Il n’est pas en mon pouvoir, madame, de vous peindre ce qu’un semblable sacrifice peut coûter à un homme d’honneur. Mais le soin de votre réputation l’exigeait, et je n’ai pas hésité à me soumettre à l’intérêt de la personne que j’honore le plus au monde. Maurice vous dira que ce dévouement mérite au moins votre pitié. Ne me la refusez point, madame ; accordez-moi, pour prix de tant d’amour, de ne pas croire aux calomnies que nos braves courtisans répandent déjà sur mon