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attachés à une rivalité semblable lui apparurent. Le silence, la générosité de cet ami si dévoué, le bonheur que ses nobles qualités promettaient à la femme qui posséderait son amour, et plus encore l’idée de la supériorité de l’homme qui dévorait ses peines pour le servir sur l’homme qui s’efforçait d’enlever à son ami la femme qu’il adore, décidèrent au même instant Albéric à se contraindre, et à triompher s’il était possible d’un sentiment qui devait lui coûter le repos de l’être qu’il estimait le plus.

Pénétré de ces pensées et décidé à imiter l’héroïsme de son ami, Albéric mit la conversation sur les nouvelles politiques, et s’efforça d’en parler avec tout l’intérêt d’une personne qui n’en a pas d’autre.

Maurice aurait pu lui témoigner quelque surprise de la manière brusque dont il avait cessé toute explication sur madame de Lisieux, et cela au moment où il semblait le plus disposé a lui en parler avec toute confiance ; mais il avait toujours tant de peur de se trahir, qu’il saisissait avec empressement l’occasion de s’occuper d’autres intérêts ; et puis l’excès de sa souffrance l’avait empêché d’en voir l’effet. On croit si difficilement à la pitié qu’on ne réclame pas !

Cet instant priva M. de Varèze d’un bien qu’il n’était pas en son pouvoir de recouvrer. Son talent de moqueur lui attirait assez de flatteurs ou de complices, mais il n’avait rencontré dans sa vie qu’un seul homme dont le noble caractère eût dédaigné son ironie, et