Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour chercher à émouvoir son cœur par tant de preuves d’une secrète et constante préoccupation, sans l’aimer vivement : l’amour-propre, le dépit, pense-t-elle, peut se servir des mêmes moyens, mais l’amour seul sait les approprier à son langage ; et l’on peut juger du sentiment qui inspire tant de soins délicats, par l’effet qu’ils produisent.

Non, ajoutait-elle, je suis trop émue pour qu’il me trompe ; et l’âme remplie de cette douce croyance elle n’osait lever les yeux : car elle se sentait, pour ainsi dire, sous le poids du regard d’Albéric, et elle redoutait de le laisser lire dans les siens.

— « Il ne m’a manqué pour être meilleur que d’être aimé, » répéta madame de Méran. Voilà une citation fort encourageante.

— Et bien placée sur un éventail, dit en riant madame de Cérolle, car autant en emporte le vent.

La voix de cette femme qui rappelait à Mathilde tous les torts d’Albéric ; lui produisit une sensation si douloureuse que, s’en étant sans doute aperçu, M. de Varèze imposa silence à madame de Cérolle en lui faisant signe qu’on levait la toile ; mais les acteurs n’étaient pas encore en scène, et madame de Cérolle aurait eu le temps de dire bien d’autres choses, si Albéric n’avait deviné tout ce qu’il y a de pénible à sentir gâter une émotion douce par une inflexion désagréable. En effet le son de cette voix ennemie avait surpris Mathilde dans ses rêves d’espoir, et lui avait