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brassant, des larmes sont venues aux yeux de sir James : il s’est levé, et après avoir regardé la pendule, s’être excusé de ne pouvoir rester plus longtemps, il est parti. Madame de Varannes, occupée à discuter avec Frédéric, n’a point remarqué l’effet que m’a produit le discours de sir James ; mais je redoute l’œil attentif de Frédéric, sans trop savoir ce que j’en dois craindre ; au fait, que m’importent ses conjectures sur une chose que je ne comprends pas moi-même ?

Ne trouves-tu pas bien malheureux, ma Juliette, de me voir ainsi dans la gêne perpétuelle, de vivre près d’un être que chacune de mes actions doit affliger ou flatter mal à propos. Je ne sais trop comment faire pour empêcher Frédéric de croire que j’ai désiré vivement qu’il restât ; tu verras qu’il me faudra lui dire quelque chose de désobligeant pour le tirer de cette erreur. Ah ! je ne me sens pas le courage de supporter longtemps de semblables ennuis, et j’ai déjà pensé aux moyens de m’y soustraire. Madame de Varannes m’a dit dernièrement que la terre d’Estell allait bientôt être à vendre ; elle le sait du propriétaire même : il en veut trente mille francs de plus qu’elle ne lui a coûté, pour les dépenses qu’il y a faites, ce qui en met le prix à trois cent trente mille livres ; je vais demander à Dupré s’il ne me serait pas possible de l’acquérir, en donnant en