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que le bonheur de vivre près de ceux qu’on chérissait, dont on était aimé, était le seul qui dût flatter l’ambition d’un homme sage.

« J’étais pénétré de ces sentiments, quand je revins chez mon père ; il s’aperçut du changement de mes idées, et prit mon air réfléchi pour un air mélancolique ; il s’imagina que j’avais besoin de distractions, rassembla chez lui tout ce qui pouvait m’en offrir, et fit revenir ma mère du château qu’elle habitait ; son hôtel de Londres devint le théâtre des plaisirs de la ville ; chaque jour amenait une fête, et toutes les femmes se disputaient l’honneur d’y être admises. C’est alors que je connus la veuve de lord Léednam. Vous avez entendu parler de sa beauté, du séduisant de son esprit, et vous concevrez sans peine comment, avec ma simplicité, je devins dupe de son artifice. Elle prit, pour me plaire, l’apparence de toutes les vertus que je préférais ; l’idée que la seule ambition de faire un grand mariage l’attachait à moi n’entra point dans mon esprit ; je me crus sincèrement aimé ; et quand mon père m’ordonna de rompre tout commerce avec elle, en m’assurant que sa coquetterie et sa cupidité la rendaient indigne de l’affection d’un honnête homme, je traitai ses propos de calomnies, je refusai de le satisfaire. Il employa vainement les menaces, dit qu’il me déshériterait, si je m’obstinais dans ma déso-