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cevoir que sir James vous aimait, et (pardonnez ma franchise), que son amour ne vous était point indifférent.

À ces mots, mon front se couvrit de rougeur.

— Désespérée par ce soupçon, continua-t-elle, je pris la résolution de surmonter ma faiblesse ; mais je ne pus me défendre d’un léger ressentiment contre vous. J’imaginai que votre caractère, les grâces de votre personne m’enlevaient un cœur qui peut-être m’aurait appartenu sans vous ; et je livrai mon âme à tous les tourments de la jalousie. J’étais dans cet état pénible, quand madame de Gercourt vint m’offrir ses conseils et son amitié ; elle avait deviné une partie de mes chagrins, je lui confiai le reste. Elle me promit qu’avant peu je serais guérie d’une passion, qu’elle disait être méprisable. Elle jeta sur sir James un ridicule qui me choqua d’abord, mais je souris peu à peu de ses épigrammes, et je parvins au point de trouver comme elle que sa bizarrerie rendait parfois sa société insupportable. Satisfaite de ce premier succès, elle employa tous les ressorts de son esprit pour captiver ma confiance, m’épouvanta par les principes austère de sa morale, me fit un crime du genre de vie que je menais, et finit par éloigner de moi les auteurs que je lisais, en prétendant que leur philosophie me conduirait à l’athéisme, et l’athéisme à tous les vices. Je lui observai qu’ils