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— Ma foi, a-t-il repris, j’ai eu bien de la peine à obtenir de lui que j’écrivisse à un chirurgien de mes amis, pour venir lui remettre le bras ; il ne voulait pas m’en donner le temps.

— Partez, me disait-il, ma voiture vous attend ; ne vous inquiétez pas de moi. Si vous arrivez trop tard, l’enfant et la mère n’existeront plus ; mais si vous les sauvez toutes deux, ma fortune et ma vie sont à votre disposition.

Juliette, crois tu que ce soit là de l’amour ? je crains de me tromper.

— Ne pouvant rien gagner sur sa résolution, continua le docteur, je suis parti, après l’avoir laissé entre les mains d’un habile homme qui le tirera bientôt d’affaire.

— Mais a-t-on reçu de ses nouvelles depuis votre départ ?

— Oui, m’a-t-il répondu, son valet de chambre a écrit à madame de Savinie, qu’il avait beaucoup souffert, mais que son bras était parfaitement remis. Vous le verrez peut-être trop tôt, ajouta-t-il, car il brûle autant de revenir, que vous de le revoir.

Ces dernières paroles me rendirent bien confuses ; mais le plaisir qu’elles me causèrent surpassa de beaucoup l’embarras que j’éprouvai, en pensant que le docteur avait lu dans mon âme. Suis-je donc si coupable, me suis-je dit, d’adorer celui qui vient de