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cette passion funeste que j’aurais dû méconnaître toujours, et que je m’obstinais à croire imaginaire. Pourquoi le ciel n’a-t-il pas éternellement prolongé mon erreur ? Je n’aurais pas le regret d’avoir répondu faiblement à toute la tendresse de Henri, d’avoir payé son amour par un sentiment bien pur, à la vérité, mais aussi différent de celui que j’éprouve, que l’ivresse l’est du calme le plus doux ! N’était-ce pas assez d’avoir été ingrate sans devenir infidèle ! Tu prétends, ma Juliette, qu’avec une âme comme la mienne, je ne pouvais échapper à ce malheur : n’est-il donc réservé qu’à ceux qui doivent en mourir de douleur ?

J’ai appris à Lucie que je la quittais demain :

— Déjà, m’a-t-elle dit ! sentez-vous bien, Laure, tout ce que nous allons souffrir de votre absence, après avoir tant joui du plaisir d’être avec vous ! Elle pleurait en disant ces mots, et sir James paraissait presque aussi ému qu’elle ; mais, a-t-elle ajouté, je ne dois pas chercher à vous retenir, je sais qu’un devoir sacré vous rappelle dans votre famille, et le moment où elle éprouve un chagrin est celui où vous devez lui apporter toutes les consolations que vous savez offrir avec tant de grâce, et dont l’effet est aussi certain. Partez, chère Laure, mais n’oubliez jamais les deux amis que vous laissez ici, promettez-nous de revenir souvent les voir et d’occuper encore quel-