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dédaigneuse pitié viendrait accabler mon amour du poids de ses humiliations ; au lieu d’inspirer à Valentine cette affection qui faisait mon bonheur, je serais réduit à sa reconnaissance, ou peut-être son cœur, indigné de l’audace du mien, ne me pardonnerait pas d’oser l’adorer. Ah ! mon ami, sauvez-moi de ce malheur cent fois pire que la mort, et n’essayez plus de me prouver que mes craintes à ce sujet sont exagérées. Je sais comme vous de combien d’éléments divins le ciel a composé l’âme de Valentine ; mais, plus elle est supérieure à tout ce qu’on admire, plus elle a le droit d’exiger de celui qui aspire à lui plaire. Je me rends justice ; les faibles qualités qui m’ont acquis votre amitié pourraient me mériter la sienne ; mais le même sentiment qui dans votre cœur est la source de mes plus douces consolations, de sa part ne me semblerait qu’un outrage fait à mon amour. Songez qu’un moment dans ma vie j’ai joui du plaisir enivrant de contempler sur ses traits enchanteurs une partie de l’émotion qui pénétrait mes sens ; que plus d’une fois ses yeux ont répondu aux miens, et voyez si je pourrais survivre à l’illusion qui m’a valu tant de félicité. »


À cette lettre en était jointe une autre pour le marquis d’Alvaro, par laquelle on le priait de faire porter sans délai le tableau d’Anatole chez le commandeur. Deux jours après, Valentine sortit pour la première fois de son appartement, et lorsqu’elle