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vêt les formes douces du conseil affectueux. Le frétin des arts, la racaille du genre, se figure qu’un ton vulgaire, des allures débraillées, un jargon bâtard et du décousu dans le cerveau, constituent les signes auxquels le talent se reconnaît. Là, est le grain de folie de l’artiste avorton. Il a eu certaines velléités de création, lui ; mais, soit que le malheur l’ait perdu ou l’amour-propre égaré, il est resté fruit sec et mourra dans la peau d’un comparse de théâtre, d’un badigeonneur à la toise ou d’un ménétrier de village. Ce n’est pas sur le chemin de cet égaré qu’il faut chercher l’artiste, on ramasserait le bohême. Le premier, pour parvenir, travaille ; arrivé, il travaille encore pour se maintenir ; le bohême se chauffe au soleil, s’abrite où il peut et vit au jour le jour. L’artiste ambitionne d’avoir un hôtel à lui ; le bohême se soucie peu d’aller mourir à l’hôpital ; l’artiste tient à s’élever ; le bohême se plaît terre à terre. Tous deux, en naissant, avaient de semblables aspirations, comment ont-ils suivi des routes si contraires ? C’est que le point de départ de leur éducation a différé. Le véritable artiste a eu sans doute, dans son enfance, les soins, la sollicitude d’une mère ; le bohême a dû manquer d’af-