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LES NUITS DU RAMAZAN.

sont pas des poëtes : ce sont, pour ainsi dire, des rapsodes ; ils arrangent et développent un sujet traité déjà de diverses manières, ou fondé sur d’anciennes légendes. C’est ainsi qu’on voit se renouveler, avec mille additions ou changements, les aventures d’Antar, d’Abou-Zeyd ou de Medjnoun. Il s’agissait, cette fois, d’un roman destiné à peindre la gloire de ces antiques associations ouvrières auxquelles l’Orient a donné naissance.

— Louange à Dieu ! dit-il, et à son favori Ahmad, dont les yeux noirs brillent d’un éclat si doux. Il est le seul apôtre de la vérité.

Tout le monde s’écria :

Amin ! (Cela est ainsi.)


HISTOIRE
DE LA REINE DU MATIN ET DE SOLIMAN
prince des génies


I — ADONIRAM


Pour servir les desseins du grand roi Soliman-Ben-Daoud[1], son serviteur Adoniram avait renoncé depuis dix ans au sommeil, aux plaisirs, à la joie des festins. Chef des légions d’ouvriers qui, semblables à d’innombrables essaims d’abeilles, concouraient à construire ces ruches d’or, de cèdre, de marbre et d’airain que le roi de Jérusalem destinait à Adonaï et préparait à sa propre grandeur, le maître Adoniram passait les nuits à combiner des plans, et les jours à modeler les figures colossales destinées à orner l’édifice.

Il avait établi, non loin du temple inachevé, des forges où sans cesse retentissait le marteau, des fonderies souterraines, où le bronze liquide glissait le long de cent canaux de sable, et

  1. Salomon, fils de David.