Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
VOYAGE EN ORIENT.

méwelefis, du nom du premier fondateur ; quand à derviches ou durvesch, cela veut dire pauvre. C’est au fond une secte de communistes musulmans.

Plusieurs appartiennent aux munasihi, qui croient à la transmigration des âmes. Selon eux, tout homme qui n’est pas digne de renaître sous une forme humaine entre, après sa mort, dans le corps de l’animal qui lui ressemble le plus comme humeur ou comme tempérament. Le vide que laisserait cette émigration des âmes humaines se trouve comblé par celles des bêtes dignes, par leur intelligence ou leur fidélité, de s’élever dans l’échelle animale. Ce sentiment, qui appartient évidemment à la tradition indienne, explique les diverses fondations pieuses faites dans les couvents et les mosquées en faveur des animaux ; car on les respecte aussi bien comme pouvant avoir été des hommes que comme capables de le devenir. Cela explique pourquoi aucun musulman ne mange de porc, parce que cet animal semble, par sa forme et par ses appétits, plus voisin de l’espèce humaine.

Les eschrakis ou illuminés s’appliquent à la contemplation de Dieu dans les nombres, dans les formes et dans les couleurs. Ils sont, en général, plus réservés, plus aimants et plus élégants que les autres. Ils sont préférés pour l’instruction, et cherchent à développer la force de leurs élèves par les exercices de vigueur ou de grâce. Leurs doctrines procèdent évidemment de Pythagore et de Platon. Ils sont poètes, musiciens et artistes.

Il y a parmi eux aussi quelques haïretis ou étonnés (mot dont peut être on a fait le mot d’hérétiques), qui représentent l’esprit de scepticisme ou d’indifférence. Ceux-là sont véritablement des épicuriens. Ils posent en principe que le mensonge ne peut se distinguer de la vérité, et qu’à travers les subtilités de la malice humaine, il est imprudent de chercher à démêler une idée quelconque. La passion peut vous tromper, vous aigrir et vous rendre injuste dans le bien comme dans le mal ; de sorte qu’il faut s’abstenir et dire : Allah bilour bizé hara-