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LORELY.

debout des concombres au vinaigre, des salades de betterave, des poissons salés arrosés de thé et de café. On remplace le pain par des œufs durs.

Rien n’est plus engageant que les grandes affiches et les inscriptions peintes des bureaux de steamboat qui annoncent des départs continuels pour Leuwarden en Frise, pour Saardam, qu’ils appellent Zaadam, pour Groningue, pour Héligoland, pour le Texel ou pour Hambourg. Si nous ne voulons qu’admirer la magnifique perspective d’Amsterdam, mettons le pied sur le paquebot de Saardam, qui, trois fois par jour, transporte les promeneurs sur le rivage de la Nord-Hollande. Le bateau fume et se détache de l’estacade prodigieuse chargée d’un petit village de comptoirs et d’offices maritimes, de restaurants et de cafés. — Déjà toute la ligne du port nous apparaît dentelée au loin par les découpures des toits variés de dômes et de tours aux chaperons aigus au-dessus desquels se dressent, sur trois ou quatre points, de hauts clochers ouvragés comme les pions d’un échiquier chinois. Puis le panorama s’abaisse ; chaque dôme, chaque flèche fait le plongeon à son tour. Seule, la vieille cathédrale, située à gauche, lève toujours son doigt de pierre dont on aperçoit la dernière aiguille de l’autre côté du golfe. L’étendue de la mer est vaste ; cependant, une ligne verte égayée de moulins trace partout, comme un mince ourlet, les derniers contours de l’horizon. On finit par reconnaître l’autre rivage en voyant s’y multiplier les moulins, qui, autour de Saardam, sont au nombre de quatre cents. Une petite anse, ouverte au milieu des pâturages à fleur d’eau, vous mène au port de la charmante ville, que je me garderai bien d’appeler chinoise, parce que cela déplaît aux habitants. Voici le cadran d’une jolie église au toit pointu qui nous annonce que nous n’avons mis qu’une heure pour la traversée. Une nuée de cicerones en bas âge s’attache à nos vêtements avec l’âpreté des Frisonnes de la Haye, mais avec des moyens de séduction moins infaillibles.

J’ai été obligé de me réfugier dans un café pour n’être pas