Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/550

Cette page a été validée par deux contributeurs.
538
LORELY.

— Cependant vous voici inscrit sur ce livre en cette qualité. — C’est sans doute qu’à la frontière on aura porté ce jugement d’un homme qui venait seul à Bruxelles, tandis que tout Bruxelles se dirigeait vers Paris. Certes, je n’y ai pas mis d’intention, j’étais parti depuis huit jours. » Déjà j’étais effacé de la liste fatale, et l’on me dit d’un ton bienveillant : « Où allez-vous ? — En Hollande. — Vous aurez peut-être de la peine à y séjourner. — Je ne le pense pas, je n’y vais que pour voir les fêtes données pour l’inauguration de la statue de Rembrandt. — Oui, dit un employé qui dressa la tête derrière une table voisine, ils disent qu’ils ont une statue, savez-vous ? qui est encore plus belle que la nôtre de Rubens, à Anvers. Il faudra voir cela, savez-vous ? — Je le verrai bien, monsieur, » répondis-je. Et j’admirai cette émulation artistique des deux pays, même dans les bureaux de police.


ii — D’ANVERS À ROTTERDAM


Je n’étais donc pas destiné à figurer parmi les proscrits internés à Bruxelles ou dans les autres localités. Du reste, on s’aperçoit à peine de la présence d’un si grand nombre de nos compatriotes : on ne les voit ni dans les cafés, ni dans les lieux publics, ni presque dans les théâtres. La société belge n’a pas, comme on sait, de réceptions ou de soirées, et c’est dans les cercles seulement que tous les partis se rencontrent sur un terrain commun. « Êtes-vous libéral ? — Êtes-vous clérical ? » Ce sont les questions à l’ordre du jour. Et les Français n’ont pas même à choisir, car ces divisions sont entendues autrement qu’elles ne le seraient chez nous.

Après tout, l’impression qu’on emporte de Bruxelles est triste. J’ai plus aimé cette ville autrefois ; je me suis trouvé heureux de respirer plus librement, au bout d’une heure, dans la solitude des rues d’Anvers. J’avais encore admiré en passant les aspects charmants du parc anglais de Laeken ; Malines, plus belle en perspective qu’en réalité ; les bras de l’Escaut miroi-