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LORELY.

plus de soin que ceux des opéras étrangers, nous ne pouvons nous dissimuler qu’ils n’appartiennent ni à une composition ni à une poésie élevée. Si une réforme est à introduire en France sur ce point, il sera bon de ne point trop nous laisser devancer par les autres nations.


VI — LA MAISON DE GŒTHE


Le lendemain de la représentation, j’avais besoin de me reposer de cinq heures de musique savante, dont l’impression tourbillonnait encore dans ma tête à mon réveil. Je me mis à parcourir la ville à travers les brumes légères d’une belle matinée d’automne.

Mme de Staël disait de Weimar : « Ce n’est pas une ville, c’est une campagne où il y a des maisons. » Cette appréciation est juste, en raison du nombre de promenades et de jardins qui ornent et séparent les divers quartiers de la résidence. Cependant, je dois avouer que je me suis perdu deux fois en parcourant les rues pour regagner mon hôtel. Je ne cherche pas ici à flatter cette jolie petite ville, mais je dois constater qu’elle est tracée en labyrinthe, par l’amour-propre sans doute de ses fondateurs, qui auront voulu la faire paraître immense aux yeux du voyageur.

Mais le moyen de leur en vouloir quand, à chaque pas, on retrouve les souvenirs des grands hommes qui ont aimé ce séjour, quand, au prix d’une heure perdue, on peut errer dans les sentiers silencieux de ce parc qui envahit une partie de la ville, et où, comme à Londres, on trouve tout à coup la rêverie et le charme, en s’isolant pour un instant du mouvement de la cité ? Une rivière aux eaux vertes s’échappe au milieu des gazons et des ombrages ; l’eau bruit plus loin en un diminutif de Niagara. À l’ombre d’un pont qui joint la ville au faubourg, on observe les jeux de la lumière sur les masses de verdure, en contraste avec les reflets lumineux qui courent sur les eaux.