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lorely.

Les artistes ont exécuté vaillamment cette partition difficile, qui, pour en donner une idée sommaire, semble se rapporter à la tradition musicale de Gluck et de Spontini. La mise en scène était splendide et digne des efforts que fait le grand-duc actuel pour maintenir à Weimar cet héritage de goût artistique qui a fait appeler cette ville l’Athènes de l’Allemagne.

La salle du théâtre de Weimar est petite et n’est entourée que d’un balcon et d’une grille ; mais les proportions en sont assez heureuses et le cintre est dessiné de manière à offrir un contour gracieux aux regards qui parcourent la rangée de femmes bordant comme une guirlande non interrompue le rouge ourlet de la balustrade. L’absence de loges particulières et la riche décoration de la loge grand-ducale lui donnent tout à fait l’apparence d’un théâtre de cour, et l’effet général est loin d’y perdre. L’œil n’est heurté ni par ce mélange de jolies figures de femmes et de laides figures d’hommes qu’on remarque ailleurs sur le devant des loges et des amphithéâtres, ni par cette succession de petites boîtes ressemblant tantôt à des tabatières, tantôt à des bonbonnières, qui divisent d’une façon si peu gracieuse les divers groupes de spectateurs.

Mais revenons à Wagner, le poète et le compositeur de la soirée. Les difficultés de tout genre que renfermait son opéra semblaient devoir en réserver l’exécution aux plus grands théâtres seulement. Or, Wagner, mêlé aux événements de Dresde du mois de mai 1849, connu pour ses opinions démocratiques, réfugié en Suisse, n’eût probablement point trouvé, à l’heure qu’il est, et de longtemps encore, un théâtre de quelque grande capitale qui eût consenti à mettre son opéra au répertoire, d’autant plus que cet opéra n’est point écrit en vue d’un succès banal. On doit une véritable reconnaissance à la cour éclairée de Weimar, qui étend sa protection aux œuvres de génie, sans s’informer de ce qui n’est point du domaine de l’art.

Wagner révèle dans ses œuvres littéraires et musicales une âme poétique, une intelligence cultivée, un esprit vif, fin, acéré, qui, comme une flèche, atteint au cœur, soit pour tou-