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lorely.

du théâtre en déclamèrent les rôles. La mise en scène était brillante. Le peu de mouvement, l’absence totale de situations passionnées furent heureusement remplacés par un effet de décorations scéniques assez neuf. Les costumes antiques se prêtèrent à de beaux groupes et offrirent à chaque fois un tableau attachant pour les yeux. Le succès de cette représentation devint très-grand.

L’ouverture de Listz a été considérée par les musiciens, rassemblés à cette solennité, comme une œuvre d’une haute portée. Les vieux maîtres et les jeunes disciples admirèrent surtout un morceau fugué, dont l’impression est grandiose, la structure très-savante, le style sévère et plein de clarté. Le commencement de l’ouverture est aussi sombre que pouvaient l’être les solitaires nuits du prisonnier sur les roches caucasiennes. Les éclats d’instruments en cuivre frappent l’oreille comme le battement des ailes de bronze du vautour fatidique. La première scène de la tragédie d’Eschyle est forcément évoquée devant notre souvenir par ces accords brusques et impérieux, et l’on croit voir la Force brutale, l’envoyée criminelle de Jupiter, rivant les chaînes du bienfaiteur des hommes.

Au silence qui suit cette introduction succèdent des gémissements étouffés que les violoncelles font entendre avec angoisse, jusqu’à ce qu’une phrase, empreinte d’un sentiment ému, comme une prière, comme une piété, comme une promesse, comme une bénédiction, soit suivie d’un morceau largement traité dans le style fugué. Un calme imposant règne dans cette partie et fait ressortir encore davantage la fougue entraînante et la majesté triomphale de la stretta.

Si nous avions à faire une analyse musicale de l’œuvre de Listz, telle qu’il l’a donnée ce jour-là, il nous serait impossible de ne point parler en particulier de chacun de ses chœurs ; nous nous bornons, toutefois, à rendre compte de l’impression générale qu’en a eue le public.

Le chœur des océanides, auquel se joignent les voix des tritons, a rencontré des applaudissements unanimes. Il s’y