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lorely.

plus émouvant de la cérémonie. Les paroles que chacun lisait trouvaient une si puissante vibration dans ces accords longuement modulés, que tous les cœurs tressaillirent… La statue de Herder est posée très-près de l’église cathédrale, et ne ressemble pas mal à celle d’un saint quelque peu sorti de sa niche. Le choix de cet emplacement nous a paru peu heureux. L’église cathédrale possède déjà les cendres de ce prédicateur qui fît si souvent retentir ses voûtes de sa voix d’une persuasive douceur. Mais on pourrait croire à une étrange méprise sur le génie poétique et philosophique de cet écrivain, de la part de ceux qui se sont le plus ardemment occupés de sa glorification, en le voyant adossé aux murs d’un temple dans lequel il n’enfermait ni sa pensée, ni sa croyance. Cet esprit amoureux du mythe, du symbole, de l’allégorie, de l’emblème, se fût trouvé peu à l’aise, s’il avait dû à jamais borner ses rêveries poétiques et ses spéculations philosophiques par l’infranchissable enceinte d’un dogme positif, tel que le représente nécessairement un autel, un prêtre, un rite. Nous aurions cru plus appropriée à son génie une place de la ville plus fréquentée que ne l’est celle qui a été choisie. Humanité, tel est le mot par lequel on est convenu de résumer toute la direction de sa pensée et de ses sentiments. Lumière, vie, amour, telle fut sa devise. Dans aucun de ces mots, d’une si vague application, ne se trouve résumée clairement la foi aux mystères chrétiens, telle qu’on s’attend à la trouver dans ceux dont l’image ne doit point quitter les saints murs d’une église.

Quittons maintenant la statue de Herder, pour arriver à l’exécution du Prométhée, vaste composition doublement lyrique, dont les paroles, écrites jadis par Herder, ont été mises en musique par Listz. C’était l’hommage le plus brillant que l’on pût rendre à la mémoire de l’illustre écrivain.

Dans la journée, la chambre de Herder fut ouverte au public. On y voyait trois portraits du poëte, le représentant à différents âges et entourés de fleurs ; son pupitre, meuble chétif de bois peint en noir, sa Bible aux fermoirs d’or, avec