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lorely.

Cette ville semblait donc devoir être une des premières favorisées par l’empressement que les populations témoignaient à ériger des statues à leurs grands hommes. Il n’en fut pourtant pas ainsi. Il est vrai que, dans le nombre des rares génies qui passèrent leur vie à Weimar, il en est peu qui y aient vu le jour. Néanmoins, comme Weimar s’était si fièrement passée de leur gloire, il était assez simple de s’attendre qu’elle songerait à remplir les charges attachées à tous les bénéfices ; et nous ne sommes sans doute pas les premiers à remarquer avec étonnement que les statues de Schiller et de Goethe s’élevaient à Stuttgard et à Francfort, avant que le moindre monument fût placé à Weimar, en souvenir d’aucun des hommes auxquels cette ville doit sa renommée. Son prince lui-même, ce Périclès, ce Médicis de l’Allemagne, ne fut point réveillé de son cercueil, et rendu à la vie et au respect de ses sujets.

La loge franc-maçonnique de Darmstadt résolut, il y a quelques années, de combler ce vide, en partie du moins : elle ouvrit une souscription pour une statue de Herder. On s’adressa aussitôt à un des artistes les plus distingués de Munich, et M. Schaffer fut chargé d’en faire le dessin.

Ici, nous ne saurions faire autrement que de rappeler encore le généreux amour de l’art, l’intelligente entente du sentiment national, dont le roi Louis de Bavière fit si souvent preuve, et de citer un trait qui mérite d’être connu. En visitant un jour l’atelier de M. Schaffer, il y vit le dessin de la statue de Herder, et, après l’avoir examiné, il répéta plusieurs fois avec humeur le mot Trop petit ! trop petit ! Peu de temps après, le roi revint, demanda à revoir l’esquisse, et répéta les mêmes paroles. L’artiste lui fit remarquer que la statue devait avoir neuf pieds de haut, et que les proportions paraissaient répondre aux exigences habituelles de pareils monuments.

— Vous ne me comprenez pas, reprit le roi ; si elle était deux fois plus haute, ce serait encore trop petit. Il faut pour Weimar un groupe représentant Charles-Auguste entouré des quatre grands poëtes qui furent les astres de son règne, et, si on vous