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lorely.

deux points essentiels qu’il a été possible de dompter les velléités libérales de ce bon peuple allemand.

À dix heures, après nous être suffisamment amusés sur ce brimborion de chemin de fer, nous arrivons à la station des omnibus intermédiaires. On charge les bagages ; on prend place dans un berlingot à rideaux de cuir, qui doit remonter au temps du baron de Thunder-ten-Tronck, et qui a peut-être servi de calèche à la belle Cunégonde. J’ai trouvé là, du reste, une fort aimable société d’étudiants, vêtus du costume classique : pantalon blanc collant, bottes à l’écuyère, redingote de velours à brandebourgs de soie, pipe à long tuyau emmanchée d’un fourneau en porcelaine peinte, qui fonctionne abondamment. J’entendais retentir à tout propos dans la conversation le nom de M. Hassenpflug, qu’ils prononçaient Hessenfluch (malheur de la Hesse). L’Allemagne aime beaucoup les calembours par à peu près.

À minuit, on changea de voiture dans un village, en nous laissant une demi-heure sur le pavé, par une pluie très-fine. Deux heures plus tard, nous sommes encore transvasés dans une nouvelle patache, et une autre fois encore, vers trois heures du matin. À six heures, nous descendions à Marburg.



III — EISENACH


Nous voilà enfin sur un nouveau chemin de fer qui appartient au territoire de la Hesse. Le nom de M. Hassenpflug revient plus fréquemment encore, criblé d’imprécations cette fois par des bourgeois, non moins bruyants dans leur haine que les étudiants. Cependant, ces cris s’évaporaient en fumée à travers les nuages des longues pipes, et, quand j’arrivai à Cassel, je trouvai à cette petite ville l’aspect morne et paisible que présentait Paris l’avant-veille de la révolution de Juillet. On fumait, on consommait beaucoup de bière, mais on ne dépavait pas.