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lorely.

foule s’amuse bien suffisamment de la danse et du bruit, sans chercher à compléter l’harmonie de ses fêtes par le costume et par la nature. Quant à moi, sans avoir trouvé là encore mon idéal complet, j’avouerai que Bade m’a gâté d’avance tous les bals de l’hiver prochain.

Ne trouvez-vous pas ma journée du samedi fort complète et suffisamment remplie d’impressions variées ? Eh bien, le dimanche qui vient ne le cédera pas au samedi. Demain, je vais entendre la messe au couvent des Dames-Augustines de Lichtenthal ; demain, j’irai visiter le vieux château de Bade sur sa montagne de sapins, et je serai redescendu assez tôt pour prendre part aux réjouissances qui ont lieu dans le pays à l’occasion de la fête du grand-duc. C’est une journée qui mérite bien encore un chapitre tout entier.


V — LICHTENTHAL


Imaginez un peu le bonheur de s’éveiller à Bade, je veux dire d’y être réveillé, par une charmante musique d’orchestre, qui, avant d’aller prendre place dans son pavillon de la promenade, parcourt toutes les rues de la ville et donne une sérénade sous la fenêtre de chaque hôte ; cela n’est-il pas d’un usage et d’un goût charmants ? Notez que la musique est bonne et que ces modestes exécutants d’Allemagne, qui n’ont pas la prétention de nos seigneurs les grands artistes de l’orchestre de l’Opéra, nous régalent cependant d’ouvertures et de symphonies du meilleur choix et de la plus grande difficulté ! C’est le cas ou jamais de se débarrasser de toute cette menue monnaie française, qui n’a plus cours dans le duché de Bade, mais dont ces braves gens sauront bien tirer parti. Tout en exécutant cette heureuse idée, avec la bonne humeur d’un homme éveillé à point, éveillé le matin d’un beau jour d’automne, dans le plus délicieux pays du monde, éveillé noblement par des musiciens, comme M. de Turenne, on a pris place à la fenêtre, et l’on admire longuement cette vallée paisible, qui changera