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lorely.

chevelure de Bérénice, qui ne rayonne plus qu’au ciel ! Qu’il vienne en Allemagne, et le blond flamand, le blond vénitien éclateront partout autour de lui, sur des fronts et sur des épaules dignes d’une telle auréole. La Madeleine d’Anvers, la Judith de Naples et l’Anna Boleynn du Musée de Paris, ont d’innombrables sœurs dans cette belle contrée, qu’il a dédaigné de parcourir.

Que vous dirais-je, d’ailleurs, de ce bal, sinon que ce sont là d’heureux pays, où l’on danse l’été, pendant que les fenêtres sont ouvertes à la brise parfumée, que la lune luit sur les gazons et velouté au loin le flanc bleuâtre des collines, quand on peut s’en aller de temps en temps respirer sous les noires allées et qu’on voit les femmes parées garnir au loin les galeries et les balcons. Ces trois choses, beauté, lumière, harmonie, ont tant besoin de l’air du ciel, des eaux et des feuillages et de la sérénité de la nuit ! Nos bals d’hiver de Paris, avec la chaleur étouffée des salles, l’aspect des rues boueuses au dehors, la pluie qui bat les fenêtres et le froid impitoyable qui veille à la sortie, sont quelque chose d’assez funèbre, et nos mascarades dansantes de février ne nous préparent pas mieux au carême qu’à la mort.

Il n’y a donc jamais eu un homme riche à Paris qui ait conçu cette idée assez naturelle : un bal masqué au printemps ? un bal qui commence aux splendides lueurs du soir, qui finisse aux teintes bleuâtres du matin ; un bal où l’on entre gaiement, d’où l’on sorte gaiement, admirant la nature et bénissant Dieu ? Des masques sur les gazons le long des terrasses, venant et disparaissant par les routes ombragées, des salles ouvertes à tous les parfums de la nuit, des rideaux qui flottent au vent, des danses où l’haleine ne manque pas, où la peau garde sa fraîcheur ? Tout cela n’est-il qu’un rêve de jeune homme, que la mode refusera de prendre au sérieux ? L’hiver n’a-t-il pas assez des concerts et des théâtres, sans prendre encore les bals et les mascarades à l’été ?

Mais que feront à tout cela nos plaintes et nos regrets ? La