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DE PARIS À CYTHÈRE.

Je craignis d’abord qu’il ne fût l’amant de cette dame et ne tendît à s’en débarrasser, d’autant plus qu’il me dit :

— Il est très-commode de la connaître, parce qu’elle a une loge au théâtre de la Porte-de-Carinthie, et qu’alors vous irez quand vous voudrez.

— Cher comte, cela est très-bien ; présentez-moi à la dame.

Il l’avertit, et, le lendemain, me voici chez cette belle personne vers trois heures. Le salon est plein de monde. J’ai l’air à peine d’être là. Cependant, un grand Italien salue et s’en va, puis un gros individu, qui me rappelait le co-registrateur Heerbrand d’Hoffmann, puis mon introducteur, qui avait affaire. Restent le prince hongrois et le patito. Je veux me lever à mon tour ; la dame me retient en me demandant si… (j’allais écrire une phrase qui serait une indication). Enfin, sache seulement qu’elle me demande un petit service que je peux lui rendre. Le prince s’en va pour faire une partie de paume. Le vieux (nous l’appellerons marquis, si tu veux), le vieux marquis tient bon. Elle lui dit :

— Mon cher marquis, je ne vous renvoie pas, mais c’est qu’il faut que j’écrive.

Il se lève, et je me lève aussi. Elle me dit :

— Non, restez ; il faut bien que je vous donne la lettre.

Nous voilà seuls. Elle poursuit :

— Je n’ai pas de lettre à vous donner ; causons un peu ; c’est si ennuyeux de causer à plusieurs ! Je veux aller à Munich, dites-moi comment cela est ?

Je réponds :

— J’en ai un itinéraire superbe avec des gravures, je vous l’apporterai demain.

C’était assez adroit ; puis je dis quelques mots de Munich, et nous passons à d’autres sujets de conversation.

Mais… il me semble que je vais te raconter l’aventure la plus commune du monde. M’en vanter ? Pourquoi donc ? Je t’avouerai même que cela a mal fini. Je m’étais laissé aller avec com-