Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/428

Cette page a été validée par deux contributeurs.
416
DE PARIS À CYTHÈRE.

un acteur nommé Nestroy, qui en joue les principaux rôles avec beaucoup de verve et d’esprit.

Le théâtre de Josephstadt, dont l’intérieur ressemble à la salle du Gymnase, vient d’être occupé pendant deux mois par les séances d’un physicien nommé Dobler. Cet artiste ne s’élève point au-dessus de Bosco, qui charme en ce moment le public de Constantinople. Depuis son départ, Josephstadt a rajeuni l’éternel sujet de la Révolte au sérail, qui, grâce aux jolies figurantes et aux tribulations des malheureux Turcs européanisés, fait fureur en ce moment ; le peuple viennois ne commence à rire des Turcs que depuis fort peu d’années, ce qui explique aussi l’excès de sa satisfaction.

J’ai été témoin, à Josephstadt, d’une représentation dont nous n’avons guère l’idée en France. C’était l’Académie du célèbre Saphir, l’un des journalistes et des poëtes les plus distingués d’Allemagne. Une foule d’artistes concourait, d’ailleurs, à cette séance littéraire. Elle a commencé par une scène en vers, de Saphir, intitulée la Conjugaison du verbe aimer. Trois des plus jolies actrices du Théâtre-Impérial représentaient, l’une la maîtresse, les deux autres les écolières. Cette ingénieuse idée était d’une exécution charmante. Ensuite, la Revue nocturne chantée par un acteur du théâtre de la Porte-de-Carinthie, était accompagnée au piano par Liszt. Puis mademoiselle Caroline Miller vint jouer, elle seule, une comédie en trois actes, fort courte heureusement, composée aussi par Saphir. C’était une sorte de parodie où le spirituel bénéficiaire faisait la critique de nos comédies modernes. Mademoiselle Miller partagea les applaudissements donnés à l’ouvrage. On sait que cette actrice est appelée la Mars de l’Allemagne. Un journaliste de Vienne remarquait dernièrement, à ce propos, qu’il serait peut-être plus convenable de dire que mademoiselle Mars est la Caroline Miller, de la France. Nous déclarons ne nous y point opposer. La séance académique, après plusieurs lectures de vers, fut terminée par une lecture humoristique que Saphir