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DE PARIS À CYTHÈRE.

frappant la dalle d’un pied superbe ; Catarina ne sort pas de sa maison. Je m’ennuie de cette faction (la garde nationale te préserve d’une corvée pareille par un mauvais temps !) ; j’entre dans la maison, je frappe ; une jeune fille sort, me prend la main et descend jusqu’à la rue avec moi. Ceci n’est point encore mal. Là, elle m’explique qu’il faut m’en aller, que la maîtresse est furieuse, et que, du reste, Catarina est allée chez moi dans la journée pour me prévenir. Moi, voilà que, là-dessus, je perds le fil de la phrase allemande ; je m’imagine, sur la foi d’un verbe d’une consonnance douteuse, qu’elle veut dire que Catarina ne peut pas sortir et me prie d’attendre encore ; je réponds : « C’est bien ! » et je continue à battre le pavé devant la maison. Alors, la jeune fille revient, et, comme je lui explique que sa prononciation me change un peu le sens des mots, elle rentre et m’apporte un papier énonçant sa phrase. Ce papier m’apprend que Catarina est allée me voir à l’Aigle noir, où je suis logé. Alors, je cours à l’Aigle noir ; le garçon me dit qu’en effet une jeune fille est venue me demander dans la journée ; je pousse des cris d’aigle, et je reviens au n° 189 : je frappe ; la personne qui m’avait parlé déjà redescend ; la voilà dans la rue, m’écoutant avec une patience angélique ; j’explique ma position ; nous recommençons à ne plus nous entendre sur un mot ; elle rentre, et me rapporte sa réponse écrite. Catarina n’habite pas la maison ; elle y vient seulement dans le jour, et pour l’instant elle n’est pas là. Reviendra-t-elle dans la soirée ? On ne sait pas ; mais j’arrive à un éclaircissement plus ample. La jeune personne, un modèle, du reste, de complaisance et d’aménité (comprends-tu cette fille dans la rue jetant des cendres sur le feu de ma passion ?) me dit que la dame, la maîtresse, a été dans une grande colère (et elle m’énonce cette colère par des gestes expressifs).

— Mais enfin ?....

— C’est qu’on a su que Catarina a un autre amoureux dans la ville.

— Oh ! pardieu ! dis-je là-dessus. (Tu me comprends, je ne