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DE PARIS À CYTHÈRE.

se répète si souvent, que nous soupçonnons le parquet de Munich de calomnier celui de Paris. Il résulte encore de ce subterfuge, que les braves Munichois ont des doutes continuels sur la tranquillité de notre capitale ; la leur est si paisible, si gaie et si ouverte, qu’ils ne comprennent pas les agitations les plus simples de notre vie politique et civile ; la population ne fait aucun bruit, les voitures roulent sourdement sur la chaussée poudreuse et non pavée. Le Français se reconnaît partout à ce qu’il déclame ou chantonne en marchant ; au café, il parle haut ; il oublie de se découvrir au théâtre ; même en dormant, il remue sans cesse, et un lit allemand n’y résiste pas dix minutes. Imagine-toi des draps grands comme des serviettes, une couverture qu’on ne peut border, un édredon massif qui pose en équilibre sur le dormeur. Eh bien, l’Allemand se couche, et tout cela reste sur lui jusqu’au lendemain ; de plus, connaissant sa sagesse, on lui accorde des oreillers charmants, brodés à l’entour, et découpés en dentelles sur un fond de soie rouge ou verte. Les plus pauvres lits d’auberge resplendissent de ce luxe innocent.

Puisque nous parlons des oreillers, parlons tout de suite des poêles. Les poêles bavarois sont les plus beaux du monde ; leur construction est de l’architecture, et leurs ornements sont de la sculpture en réalité. Si l’on connaissait bien à Paris les poêles allemands, on ne voudrait plus de cheminées. C’est la plus belle pièce d’un mobilier. Cela convient à une chambre comme à une salle de palais. J’ai vu un poêle allemand au château de Rastadt, enrichi, il est vrai, de peintures et de porcelaines, qu’on estimait cent mille florins. Les plus beaux de ces monuments disparaissent peu à peu de l’Allemagne, car les princes et les grands seigneurs adoptent presque partout la cheminée française ; mais la bourgeoisie tient toujours pour ses vieux poêles, et elle a raison.

Je sens bien que tu es pressé de faire connaissance avec la Glyptothèque et la Pinacothèque ; mais ces musées sont fort loin du centre de la ville, et il faut le temps d’y arriver. Dans