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DE PARIS À CYTHÈRE.

téresserait sans doute ; mais, moi, que m’importe ? je n’écris pas de romans.

Si le journal naïf d’un voyageur enthousiaste a quelque intérêt pour qui risque de le devenir, apprends que, de Bourg à Genève, il n’y a pas de voitures directes. Fais un détour de dix-huit lieues vers Lyon, un retour de quinze heures vers Pont-d’Ain, et tu résoudras le problème en perdant dix heures.

Mais il est plus simple de se rendre de Bourg à Pont-d’Ain, et, là, d’attendre la voiture de Lyon.

— Vous en avez le droit, me dit-on ; la voiture passe à onze heures ; vous arriverez à trois heures du matin.

Une patache vient à l’heure dite, et, quatre heures après, le conducteur me dépose sur la grande route avec mon bagage à mes pieds.

Il pleuvait un peu ; la route était sombre, on ne voyait ni maisons ni lumières.

— Vous allez suivre la route tout droit, me dit le conducteur avec bonté. À un kilomètre et demi environ, vous trouverez une auberge ; on vous ouvrira, si l’on n’est pas couché.

Et la voiture continua sa route vers Lyon.

Je ramasse ma valise et mon carton à chapeau… J’arrive à l’auberge désignée ; je frappe à coups de pavé pendant une heure… Mais, une fois entré, j’oublie tous mes maux…

L’auberge de Pont-d’Ain est une auberge de cocagne. En descendant le lendemain matin, je me trouve dans une cuisine immense et grandiose. Des volailles tournaient aux broches, des poissons cuisaient sur les fourneaux. Une table bien garnie réunissait des chasseurs très-animés. L’hôte était un gros homme et l’hôtesse une forte femme, très-aimables tous les deux.

Je m’inquiétais un peu de la voiture de Genève.

— Monsieur, me dit-on, elle passera demain vers deux heures.

— Oh ! oh !

— Mais vous avez le soir le courrier.