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APPENDICE.

vant le cours du soleil et de la lune. Il a son temps auquel les fontaines et les sources de la terre lui sont ouvertes, suivant le commandement qui leur est fait par son Créateur, qui gouverne et dispense son cours pour fournir de quoi vivre à la province, et il court, suivant ce qui lui est prescrit, jusqu’à ce que, ses eaux étant enflées et ses ondes roulant avec bruit, et ses flots étant parvenus à la plus grande élévation, les habitants du village ne peuvent passer de village en autre que dans de petites barques, et l’on voit tournoyer les nacelles qui paraissent comme des chameaux noirs et blancs dans les imaginations. Puis, lorsqu’il est dans cet état, voici qu’il commence à retourner en arrière et à se renfermer dans son canal, comme il en était sorti auparavant, et s’y était élevé peu à peu. Et alors, les plus prompts et les plus tardifs s’apprêtent au travail ; ils se répandent par la campagne en troupes, les gens de la loi que Dieu garde, et les hommes de l’alliance, que les hommes protègent ; on les voit marcher comme des fourmis, les uns faibles, les autres forts, et se lasser à la tâche qui leur a été ordonnée. On les voit fendre la terre et ce qui en est abreuvé, et y jeter de toutes les espèces de grains qu’ils espèrent y pouvoir multiplier avec l’aide de Dieu ; et la terre ne tarde point, après la noirceur de son engrais, à se revêtir de vert et à répandre une agréable odeur, tant qu’elle produit des tuyaux et des feuilles et des épis, faisant une belle montre et donnant une bonne espérance, la rosée l’abreuvant d’en haut, et l’humidité donnant nourriture à ses productions par bas. Quelquefois, il vient quelques nuées avec une pluie médiocre ; quelquefois, il tombe seulement quelques gouttes d’eau, et, quelquefois, point du tout. Après cela, seigneur commandeur des fidèles, la terre étale ses beautés et fait parade de ses grâces, réjouissant ses habitants et les assurant de la récolte de ses fruits pour leur nourriture et celle de leurs montures, et pour en transporter ailleurs, et pour faire multiplier leur bétail. Elle paraît aujourd’hui, seigneur commandeur des fidèles, comme une terre poudreuse, puis incontinent comme une mer bleuâtre et comme