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VOYAGE EN ORIENT.

s’écrient : « Allah ! il n’y a de force ni de puissance qu’en Dieu ! Nous appartenons à Dieu, et nous devons retourner vers lui ! Dieu, faites-lui miséricorde ! » Pendant ce temps, les femmes de la famille poussent les cris de lamentation appelés Wilwal, puis des cris plus perçants en prononçant le nom du défunt. Les exclamations les plus usitées et qui s’échappent des lèvres de sa femme ou de ses femmes et de ses enfants sont : « Ô mon maître ! ô mon chameau ! (ce qui signifie : Ô toi qui apportais mes provisions et qui as porté mes fardeaux !) ô mon lion ! ô chameau de la maison ! ô ma gloire ! ô ma ressource ! ô mon père ! oh ! malheur ! »

Aussitôt après la mort, le défunt est dépouillé des habits qu’il portait et recouvert d’autres habits ; puis on le place sur son lit ou son matelas, et on étend sur lui un drap de lit. Les femmes continuent leurs lamentations, et beaucoup de voisins, entendant ce vacarme, viennent se joindre à elles.

En général, la famille envoie chercher deux ou plusieurs neddubihs (pleureuses publiques). Chacune apporte un tambourin qui n’a point les plaques de métal résonnant dont sont pourvus les cerceaux des tambourins ordinaires. Ces femmes frappent sur cet instrument en s’écriant : Hélas pour lui ! et en louant le turban du défunt, la beauté de sa personne, etc., tandis que les femmes de la famille, les servantes et les amies du défunt, les cheveux épars et quelquefois les habits déchirés, crient aussi : Hélas pour lui ! en se frappant le visage. Ces lamentations durent au moins une heure.

Bientôt arrive le muggassil (laveur des morts) avec un banc, sur lequel il place le cadavre, et une bière. Si la personne morte est d’un rang respectable, les fakirs qui doivent faire partie du convoi funèbre sont alors introduits dans la maison mortuaire. Durant la cérémonie du lavement du corps, ceux-ci sont placés dans une pièce voisine, ou bien en dehors, à la porte de l’appartement ; quelques-uns d’entre eux récitent, ou plutôt psalmodient le sourat El-Anam (sixième chapitre du Coran), tandis que d’autres psalmodient une partie du Burdeh, célèbre