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VOYAGE EN ORIENT.

rivales qui troublent la paix de leur intérieur, et, si elles sont domestiques, leur service est doux, et leur liberté est moins restreinte. S’il existe un attachement mutuel entre la concubine et son maître, sa position est plus heureuse que celle d’une épouse, car celle-ci peut être renvoyée par son mari dans un moment de mauvaise humeur, il peut prononcer contre elle la sentence irrévocable du divorce et la plonger ainsi dans la misère, tandis qu’il est bien rare qu’un homme renvoie une esclave sans pourvoir à ses besoins assez abondamment pour qu’elle ne perde guère au change si elle n’a pas été gâtée par une vie trop luxueuse. — En la renvoyant, il est d’usage que son maître l’émancipe en lui accordant un douaire, et qu’il la marie à quelque homme honnête, ou bien qu’il en fasse cadeau à un de ses amis ; en général, on considère comme blâmable la vente d’une esclave qui a de longs services. Lorsqu’une esclave a un enfant de son maître et que celui-ci le reconnait pour le sien, cette femme ne peut être ni vendue ni donnée, et elle devient libre à la mort du maître ; souvent, aussitôt après la naissance d’un enfant que le maître reconnait, l’esclave est émancipée et devient son épouse ; car, une fois qu’elle est libre, il ne pourrait la garder comme femme sans l’épouser légalement.

La plupart des filles de l’Abyssinie, ainsi que les jeunes négresses, sont horriblement prostituées par les gellabs ou marchand d’esclaves de l’Égypte supérieure et de la Nubie, par lesquels elles sont conduites en Égypte. Même à l’âge de huit à neuf ans, elles sont presque toutes victimes de la brutalité de ces hommes, et ces pauvres enfants, surtout ceux qui viennent de l’Abyssinie, filles et garçons, éprouvent une telle horreur des traitements que les gellabs leur font endurer, que, pendant le voyage, beaucoup d’entre eux se jettent dans le Nil et y périssent, préférant la mort à leur triste position.

Les esclaves femelles sont ordinairement d’un prix plus élevé que les esclaves mâles. Le prix des esclaves qui n’ont pas eu la petite vérole est moindre que le prix de ceux qui l’ont eue. On accorde à l’acquéreur trois jours d’épreuve ; pendant ce temps,