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VOYAGE EN ORIENT.

et elle ne s’efforçait pas de cacher ses diamants, ses émeraudes et autres bijoux ; au contraire, elle avait l’air de vouloir les faire remarquer. Cependant, ce musulman ne m’a jamais permis de voir sa femme, quoiqu’il m’ait laissé causer avec elle, en sa présence, à l’angle d’un mur près de la terrasse, d’où je ne la pouvais pas voir. » Quoi qu’il en soit, les femmes sont généralement moins retenues en Égypte que dans les autres parties de l’empire ottoman ; il n’est pas rare de voir des femmes badiner en public avec des hommes, mais ceci se passe dans la classe du peuple. On croirait, d’après cela, que les femmes des classes moyennes et plus élevées se sentent souvent fort malheureuses, et détestent la réclusion à laquelle elles sont condamnées ; mais, tout au contraire, une Égyptienne attachée à son mari est offensée si elle jouit de trop de liberté ; elle pense que, ne la surveillant pas aussi sévèrement que cela doit avoir lieu d’après les usages, son époux n’a plus pour elle autant d’amour, et souvent elle envie le sort des femmes qui sont gardées avec plus de sévérité.

Quoique la loi autorise les Égyptiens à prendre quatre épouses, et autant de concubines esclaves qu’ils en veulent, on les voit assez ordinairement n’avoir qu’une épouse ou une concubine esclave. Cependant, un homme, tout en se bornant à la possession d’une seule femme, peut en changer aussi souvent que la fantaisie lui en prend, et il est rare de trouver au Caire des gens qui n’aient pas divorcé au moins une fois, si leur état d’homme marié date de longtemps. Le mari peut, dès que cela lui plaît, dire à sa femme : Tu es divorcée, que ce désir de sa part soit ou non raisonnable. Après la prononciation de cet arrêt, la femme doit quitter la maison du mari, et chercher un abri soit chez des amis ou chez des parents. La faculté qu’ont les hommes de prononcer un divorce injuste est la source de la plus grande inquiétude chez les femmes, et cette inquiétude surpasse toutes les autres peines, lorsqu’elles y voient pour conséquences l’abandon et la misère ; d’autres femmes, au contraire, qui voient dans le divorce un moyen d’améliorer