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VOYAGE EN ORIENT.

— Quel mot adopterons-nous ? objecta un autre.

— Si nous retrouvons là notre maître, repartit un troisième, la première parole qui sera prononcée par l’un de nous servira de mot de passe ; elle éternisera le souvenir de ce crime et du serment que nous faisons ici de le venger, nous et nos enfants, sur ses meurtriers, et leur postérité la plus reculée.

Le serment fut juré ; leurs mains s’unirent sar la fosse, et ils se reprirent à fouiller avec ardeur.

Le cadavre ayant été reconnu, un des maîtres le prit par un doigt, et la peau lui resta à la main ; il en fut de même pour un second ; un troisième le saisit par le poignet de la manière dont les maîtres en usent envers le compagnon, et la peau se sépara encore ; sur quoi, il s’écria : Maxbénach ! qui signifie : La chair quitte les os !

Sur-le-champ ils convinrent que ce mot serait dorénavant le mot de maître et le cri de ralliement des vengeurs d’Adoniram, et la justice de Dieu a voulu que ce mot ait, durant bien des siècles, ameuté les peuples contre la lignée des rois.

Phanor, Amrou et Méthousaël avaient pris la fuite ; mais, reconnus pour de faux frères, ils périrent de la main des ouvriers, dans les États de Maaca, roi du pays de Geth, où ils se cachaient sous les noms de Sterkin, d’Oterfut et de Hoben.

Néanmoins, les corporations, par une inspiration secrète, continuèrent toujours à poursuivre leur vengeance déçue sur Abiram ou le meurtrier… Et la postérité d’Adoniram resta sacrée pour eux ; car, longtemps après, ils juraient encore par les fils de la veuve ; ainsi désignaient-ils les descendants d’Adoniram et de la reine de Saba,

Sur l’ordre exprès de Soliman-Ben-Daoud, l’illustre Adoniram fut inhumé sous l’autel même du temple qu’il avait élevé ; c’est pourquoi Adonaï finit par abandonner l’arche des Hébreux et réduisit en servitude les successeurs de Daoud.