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LES NUITS DU RAMAZAN.

bras du fils de Daoud retombèrent appesantis. Sa tête s’inclina ; il garda le silence, et, tressaillant soudain, se mit sur son séant… Ses yeux étonnés se dilatèrent avec effort ; il sentait le désir expirer dans son sein et les objets vacillaient sur sa tête. Sa figure morne et blême, encadrée d’une barbe noire, exprimait une terreur vague ; ses lèvres s’entr’ouvrirent sans articuler aucun son, et sa tête, accablée du poids du turban, retomba sur les coussins du lit. Garrotté par des liens invisibles et pesants, il les secouait par la pensée, et ses membres n’obéissaient plus à son effort imaginaire.

La reine s’approcha, lente et grave ; il la vit avec effroi, debout, la joue appuyée sur ses doigts repliés, tandis que, de l’autre main, elle faisait un support à son coude. Elle l’observait, il l’entendit parler et dire :

— Le narcotique opère…

La prunelle noire de Soliman tournoya dans l’orbite blanc de ses grands yeux de sphinx, et il resta immobile.

— Eh bien, poursuivit-elle, j’obéis, je cède, je suis à vous !…

Elle s’agenouilla et toucha la main glacée de Soliman, qui exhala un profond soupir.

— Il entend encore,… murmura-t-elle. Écoute, roi d’Israël, toi qui imposes au gré de ta puissance l’amour avec la servitude et la trahison, écoute ! J’échappe à ton pouvoir. Mais, si la femme t’abusa, la reine ne t’aura point trompé. J’aime, et ce n’est pas toi ; les destins ne l’ont point permis. Issue d’une lignée supérieure à la tienne, j’ai dû, pour obéir aux génies qui me protègent, choisir un époux de mon sang. Ta puissance expire devant la leur ; oublie-moi. Qu’Adonaï te choisisse une compagne. Il est grand et généreux : ne t’a-t-il pas donné la sagesse et bien payé de tes services en cette occasion ? Je t’abandonne à lui et te retire l’inutile appui des génies que tu dédaignes et que tu n’as pas su commander…

Et Balkis, s’emparant du doigt où elle voyait briller le talisman de l’anneau qu’elle avait donné à Soliman, se disposa à le