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LES NUITS DU RAMAZAN.

comme je l’ai dit, est resté seul avec la reine de Saba. Ô roi ! puissé-je trouver grâce à vos yeux, car la tromperie n’a point effleuré mes lèvres !

— De quel droit penses-tu donc sonder les intentions de ton maître ? Quel que soit notre arrêt, il sera juste… Que cet homme soit enfermé dans le temple comme ses compagnons ; il ne communiquera point avec eux, jusqu’au moment où nous ordonnerons de leur sort.

Qui pourrait dépeindre la stupeur du grand prêtre Sadoc, tandis que les muets, prompts et discrets exécuteurs des volontés de Soliman, entraînaient Méthousaël terrifié ?

— Vous le voyez, respectable Sadoc, reprit le monarque avec amertume, votre prudence n’a rien pénétré ; sourd à nos prières, peu touché de nos sacrifices, Adonaï n’a point daigné éclairer ses serviteurs, et c’est moi seul, à l’aide de mes propres forces, qui ai dévoilé la trame de mes ennemis. Eux, cependant, ils commandent aux puissances occultes. Ils ont des dieux fidèles… et le mien m’abandonne !

— Parce que vous le dédaignez pour rechercher l’union d’une femme étrangère. Ô roi, bannissez de votre âme un sentiment impur, et vos adversaires vous seront livrés. Mais comment s’emparer de cet Adoniram qui se rend invisible, et de cette reine que l’hospitalité protège ?

— Se venger d’une femme est au-dessous de la dignité de Soliman. Quant à son complice, dans un instant vous le verrez paraître. Ce matin même, il m’a fait demander audience, et c’est ici que je l’attends.

— Adonaï nous favorise. Ô roi ! qu’il ne sorte pas de cette enceinte !

— S’il vient à nous sans crainte, soyez assuré que ses défenseurs ne sont pas loin ; mais point d’aveugle précipitation : ces trois hommes sont ses mortels ennemis. L’envie, la cupidité ont aigri leur cœur. Ils ont peut-être calomnié la reine… Je l’aime, Sadoc, et ce n’est point sur les honteux propos de trois misérables que je ferai à cette princesse l’injure de la