Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
LES NUITS DU RAMAZAN.

des pierres combustibles aux briques de ses fourneaux. Amrou, compagnon parmi les charpentiers, tu as fait plonger les solives dans la flamme, pour affaiblir les bases de la mer d’airain. Quant à toi, Méthousaël, le mineur de la tribu de Ruben, tu as aigri la fonte en y jetant des laves sulfureuses, recueillies aux rives du lac de Gomorrhe. Tous trois, vous aspirez vainement au titre et au salaire des maîtres. Vous le voyez, ma pénétration atteint le mystère de vos actions les plus cachées.

— Grand roi, répondit Phanor épouvanté, c’est une calomnie d’Adoniram, qui a tramé notre perte.

— Adoniram ignore un complot connu de moi seul. Sachez-le, rien n’échappe à la sagacité de ceux qu’Adonaï protège.

L’étonnement de Sadoc apprit à Soliman que son grand prêtre faisait peu de fond sur la faveur d’Adonaï.

— C’est donc en pure perte, reprit le roi, que vous déguiseriez la vérité. Ce que vous allez révéler m’est connu, et c’est votre fidélité que l’on met à l’épreuve. Qu’Amrou prenne le premier la parole.

— Seigneur, dit Amrou, non moins effrayé que ses complices, j’ai exercé la surveillance la plus absolue sur les ateliers, les chantiers et les usines. Adoniram n’y a pas paru une seule fois.

— Moi, continua Phanor, j’ai eu l’idée de me cacher, à la nuit tombante, dans le tombeau du prince Absalon-Ben-Daoud, sur le chemin qui conduit de Moria au camp des Sabéens. Vers la troisième heure de la nuit, un homme vêtu d’une robe longue et coiffé d’un turban comme en portent ceux de l’Yémen, a passé devant moi ; je me suis avancé et j’ai reconnu Adoniram ; il allait du côté des tentes de la reine, et, comme il m’avait aperçu, je n’ai osé le suivre.

— Seigneur, poursuivit à son tour Méthousaël, vous savez tout et la sagesse habite en votre esprit ; je parlerai en toute sincérité. Si mes révélations sont de nature à coûter la vie de ceux qui pénètrent de si terribles mystères, daignez éloigner mes compagnons, afin que mes paroles retombent sur moi seulement.