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LES NUITS DU RAMAZAN.

l’autel de porphyre et de bois d’olivier que doivent décorer quatre séraphins d’or.

— Tu as profané, tu as détruit le premier plant de vigne… qui fut planté jadis de la main du père de la race de Sem, du patriarche Noé.

— Est-il possible ? répondit Soliman profondément humilié ; et comment savez-vous… ?

— Au lieu de croire que la grandeur est la source de ta science, j’ai pensé le contraire, ô roi ! et je me suis fait de l’étude une religion fervente… Écoute encore, homme aveuglé, de ta vaine splendeur : ce bois que ton impiété condamne à périr, sais-tu quel destin lui réservent les puissances immortelles ?

— Parlez.

— Il est réservé pour être l’instrument du supplice où sera cloué le dernier prince de ta race.

— Qu’il soit donc scié par morceaux, ce bois impie, et réduit en cendres !

— Insensé ! qui peut effacer ce qui est écrit au livre de Dieu ? Et quel serait le succès de ta sagesse substituée à la volonté suprême ? Prosterne-toi devant les décrets que ne peut pénétrer ton esprit matériel : ce supplice sauvera seul ton nom de l’oubli, et fera luire sur ta maison l’auréole d’une gloire immortelle…

Le grand Soliman s’efforçait en vain de dissimuler son trouble sous une apparence enjouée et railleuse, lorsque des gens survinrent, annonçant que l’on avait enfin découvert le sculpteur Adoniram.

Bientôt Adoniram, annoncé par les clameurs de la foule, apparut à l’entrée du temple. Benoni accompagnait son maître et son ami, qui s’avança l’œil ardent, le front soucieux, tout en désordre, comme un artiste brusquement arraché à ses inspirations et à ses travaux. Nulle trace de curiosité n’affaiblissait l’expression puissante et noble des traits de cet homme, moins imposant encore par sa stature élevée que par le ca-