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C’est une heure triste entre toutes que celle qui précède la nuit, ressemblant étrangement à ce dernier sursaut d’une existence sur le point de disparaître à jamais dans le néant de la mort. Invinciblement, tandis que tombe lentement le soir, l’esprit se replie sur lui-même, il songe au lointain passé et des images, depuis longtemps évanouies, remontent subitement des profondeurs de la mémoire. Dans le calme immuable des choses, on se surprend à évoquer un passé mort et des visages bien aimés à jamais disparus.

Pour moi, exilé du sol natal, c’est l’heure où, chaque jour, je songe au pays, aux sombres forêts des Vosges, aux riches plaines d’Alsace, à notre vieille cathédrale de Strasbourg disparaissant peu à peu dans la brume du soir. Tout à l’heure quand, à travers le vitrail en ogive, la lune jouait en tremblotant sur tous ces vieux livres, où dort enfouie notre belle histoire d’Alsace, je pris la résolution de noter au jour le jour les impressions fugitives de ces rêveries crépusculaires d’un solitaire,