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MONROSE


jour par la plus tendre et la plus sage des mères. Le bonheur de revoir à la fois un fils et son père faillit lui être funeste : le trop violent, le trop brusque éclair de la joie n’est pas moins mortel pour certaines âmes que celui de l’adversité.

« Enfin on s’épousa. Mon père n’eut aucune peine à me placer au service en qualité de garde-marine. Avant d’aller à Paris, j’avais pris une teinture de mathématiques et de dessin. Le plus impénétrable secret enveloppait la honte de mes premières années : j’ai été assez heureux pour qu’aucun hasard ne l’ait trahi. Au bout d’à peu près six ans, je suis devenu enseigne de vaisseau ; mais, hélas ! au prix de combien d’infortunes ! Constamment éloigné de ceux qui m’ont donné le jour, je n’eus point la douceur d’embrasser avant sa mort ma tendre mère, qui, bien qu’heureuse, ne survécut que deux ans à son mariage. Il y a quelques mois que je suis venu de Toulon à Lyon fermer les yeux de mon respectable père, toujours mélancolique et souffrant depuis qu’il s’était vu seul. Ce digne homme avait mieux aimé se priver de moi que de risquer peut-être de ressusciter les bruits auxquels, dans cette province, mon existence passée pouvait avoir donné lieu. À mon grand étonnement, je me suis trouvé héritier de près

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