J’étais grande coquette ; Aglaé, jeune amoureuse,
en partage avec la charmante d’Aiglemont. Liesseval
était une intéressante soubrette. Madame
de Garancey, modestement, se bornait aux caractères[1],
mais, habilissime, c’était elle qui
nous mettait tous en scène, et nous ne pouvions
avoir une meilleure directrice. Monrose était
jeune premier ; d’Aiglemont, petit-maître ;
Garancey, raisonneur ; Saint-Amand, valet, et
il s’en acquittait fort bien. Monseigneur enfin
était chargé des rôles à manteau. Nous jouiions
solennellement, et pour toute la banlieue, une
fois la semaine ; à la suite du spectacle il y avait
souper et bal. Les autres jours nous nous exercions
à remplir des canevas, toujours très-ingénieux,
que nous fournissait la riche imagination
de madame de Garancey. Plusieurs de ces
croquis étaient susceptibles de devenir d’excellentes
pièces.
Oh ! si dans les sociétés les plus châtiées, sous les yeux des pères, des mères, des maris, il est rare que l’amusement de la comédie n’amène pas des imbroglio de galanterie souvent poussée
- ↑ L’art dramatique a, comme tous les autres, sa nomenclature particulière. Ici les caractères signifient les rôles de mères, tantes, gouvernantes, etc. C’est pour l’étranger qu’on entre dans un détail qu’en France chacun sait par cœur.