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LE DIABLE AU CORPS.

CINQUIÈME PARTIE.

Nous avons laissé la Marquise et la Comtesse au moment de dîner ; la première indisposée ; ce qui ne veut pas dire mal disposée, car c’est sur-tout dans l’état qui l’a surprise (comme on a vu) qu’elle est le plus tourmentée par son indomptable tempérament. Ce n’est pas chose fort extraordinaire, car il est prouvé que ces douze ou treize époques de l’année seraient, selon la nature, celles des grands besoins, s’il n’était reçu chez les trois-quarts des femmes que l’on n’écoutera point cette nature pendant ces espaces de tems réputés de disgrace. — N’a-t-on pas les yeux ternes, cernés ? le teint fouetté ? la peau moins fraîche ? les levres violaces ? la transpiration et l’haleine n’ont-elles pas quelquefois un soupçon d’odeur fétide ? Si les Dames les plus pénétrées de leurs avantages, les plus aveuglées par leur amour-propre, sont forcées de s’appercevoir elles-mêmes de tout cela, risqueront-elles de mettre à l’épreuve de ces imperfections momentanées l’amour, ou les desirs de certains hommes trop délicats, ou trop faiblement inspirés, et qui, très-injustement, feraient retraite ! Non certainement : l’ambition de plaire et le besoin d’avoir son crochet bien garni, donnent des lumieres plus sûres, et prescrivent une conduite plus prudente. On s’impose donc pour l’ordinaire, malgré le cri du tempérament, une courageuse abstinence pendant ces jours critiques. La Marquise n’est pourtant pas une femme comme une autre ; sera-

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