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avoir vu depuis un beau cavalier dont je suis devenue folle ? Ou bien, qu’aurais-je gagné à me défendre avec celui-ci de la plus charmante tentation, parce que j’aurais eu quelques arrangements déjà ébauchés avec son oncle ? Suis-je donc maintenant bien à plaindre ? J’ai satisfait hier un désir immense en me livrant au plus aimable des hommes : je viens de goûter des vrais plaisirs avec un autre qui n’est pas sans agréments. La nature a trouvé son compte à ce partage, que condamnent à la vérité les préjugés et le code rigoureux de la délicatesse sentimentale. Il y a donc nécessairement un vice dans la rédaction des lois peu naturelles dont ce code est composé. » Puis je suivais dans l’avenir les deux chaînes d’événements qui devaient résulter de deux partis différents dont sans doute j’avais choisi le meilleur. En résistant, ce qui était bien loin de ma pensée, je ne voyais qu’obstacles, haines, jalousies, remords ; en cédant, comme j’avais fait, je voyais au contraire la plus riante perspective : au lieu de me rendre odieuse au chevalier, à monseigneur, à Sylvina, je les arrangeais tous et m’arrangeais moi-même. En tout, j’étais très contente de moi… Des autres ?… à peu près ; car je n’étais pas assez philosophe pour surmonter tout à fait certaine inquiétude jalouse… Je me représentais trop vivement mon beau chevalier dans les bras d’une rivale aimable… Passe encore si Sa Grandeur me fût demeurée… Elle m’eût sans doute aidée à chasser une image qui m’obsédait, Le sommeil eut cependant pitié de mes peines et vint y mettre fin.