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CHAPITRE VII


Où je recule un peu sur mes pas.


J’avais envie de dérober à mes lecteurs la connaissance d’une aventure qui m’humilia beaucoup dans le temps. C’était pour cela que j’avais tâché de détourner leur attention en les occupant de la pauvre Sylvina ; et parvenue enfin à l’époque des malheurs de celle-ci, je me trouvais au delà des événements dont je me proposais de ne point rendre compte ; mais j’ai trop de bonne foi pour persister plus longtemps dans le dessein de faire cette petite tromperie, et je préviens les questions embarrassantes qu’on pourrait me faire au sujet d’un vide dont on s’apercevrait aisément.

J’ai dit que milord Kinston, pendant son règne, exigeait que nous fissions de nos moments une chaîne continuelle de plaisirs. Notre inclination nous portant à ne point le désobliger à cet égard, nous ne manquâmes pas de paraître avec le plus grand éclat, pendant le carnaval, aux bals publics et particuliers.

J’étais, une nuit, à celui de l’Opéra, habillée en sultane, magnifiquement vêtue et couverte de diamants. J’avais ôté mon masque et je donnais le bras à milord Kinston. Pendant que nous nous promenions, Sylvina tenait compagnie dans une loge au pauvre comte qui avait bien voulu nous sacrifier cette nuit, quoique veiller fût une des choses que le médecin lui avait le plus sévèrement défendues. Les masques, attroupés autour de moi, me disaient les choses les plus galantes, les plus flatteuses pour amour-propre ; je les savourais avec délices, mais je ne voulais pas paraître y prendre part, lors même que l’on piquait ma curiosité par des propos qui prouvaient que l’on était de ma connaissance.