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de nous fatiguer. — Non, pas moi, dit aussitôt la Dorville ; venez, venez, chevalier, je vous prendrai volontiers. — Quant à moi, je m’en tiens à mon petit voisin, répliqua Soligny ; il est cependant dormeur, et malgré toute la bonne volonté que je lui suppose, il serait possible qu’on m’enlevât sans qu’il s’en aperçût. Cela était dit pour le gros Kinston, à qui il fallait donner à entendre en passant que le voisinage de Monrose était tout à fait sans conséquence. — Mon état, dit monseigneur, m’empêche de demander du service. On voit peu d’évêques en sentinelle. — Peste, répliqua Sylvina, vous êtes sans contredit la plus sûre garde en cas de lutins. D’un mot d’exorcisme vous en dissiperiez une armée. C’est vous, prélat, que je retiens pour me garder…

Tous ces propos étaient fort réjouissants pour moi : je ne disais rien, on m’agaça. — Notre espiègle de Félicia, dit le chevalier, ne nous dit pas si elle est sujette à la peur. Cependant, si messieurs les revenants ont un peu de bon sens, ils ne l’oublieront pas sans doute. — J’en serais bien fâchée, dis-je d’un ton badin ; et Sydney venant de nous quitter pour un moment, j’ajoutai que je ne demanderais pas mieux qu’il m’en arrivât autant qu’à d’Aiglemont. — À la bonne heure, répliqua celui-ci, mais, s’il vous arrive d’être visitée par le lutin, priez-le de ne pas frapper si fort ; il touche tout de bon, je vous jure, quoiqu’il paraisse un diable de fort bonne humeur. — Vous faisiez peut-être quelque sottise, chevalier, si vous aviez mérité d’être fessé ? — Je ne me rendis pas assez maîtresse de ma physionomie. Il vit bien que j’entendais finesse à ce qui venait de m’échapper, et commençant à me soupçonner d’être le lutin, il me fit du doigt une menace badine… Mais déjà la conversation avait changé de sujet. Nous ne poussâmes pas la galanterie plus loin, nous réservant in petto de reprendre l’entretien en temps et lieu.