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fait l’offre de m’emmener ailleurs. Les trois quarts des hommes de ma liste sont dispersés ; j’avais d’ailleurs besoin de prendre quelque repos. Vous n’avés donc qu’à vous féliciter dans tout ceci que de m’avoir fait votre proposition dans une circonstance favorable : au reste nous sommes convenus, qu’au moment où les vignes et les bois pourront ne plus m’amuser, je serai la maîtresse de me transporter où bon me semblera…

Monsieur. Assurément, Madame, je serai toujours prêt à…

Madame. Je ne vous interrogeais point, Monsieur, sur la question de ma liberté ; je vous signifiais que je me réserve d’en jouir pleinement à mon tour ; je serai fort aise, quand il se trouvera que ce qui m’est agréable peut aussi vous convenir…

Monsieur. Je n’entendais pas autre chose, Madame ; trop heureux quand…

Madame. (interrompant.) Quand je voudrai vous fournir l’occasion de satisfaire mes fantaisies ! C’est cela que vous alliés dire. Eh bien, voici le moment de vous donner une preuve frappante de ma confiance et de mon amitié. J’ai fait dans la ville voisine une connaissance.

Monsieur. Une connaissance ! d’homme ? de femme ?

Madame. D’homme ; mais, de grace ne me poussés point, ainsi de questions en questions et puisque vous voulés faire le galant, souvenés-vous qu’on n’interrompt jamais une femme sur tout celle qu’on fait profession d’aimer…

Monsieur. Dites d’adorer, d’idolatrer, Madame, (il lui prend avec transport une main, et la baise.)

Madame. (avec humeur.) Doucement donc, Monsieur, vous m’avés crible de piqûres… Vous avés un menton de porc-épic !