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moins parce qu’il est évident qu’elle a souffert, — et beaucoup souffert ?

Elle est toujours belle, mais autrement qu’à l’époque où elle est « entrée en moi » non comme « un coup de couteau » selon l’expression du dieu Baudelaire, mais comme un suave et puissant parfum qui a envahi tout mon être. La nuit magique de ses yeux est aussi sombrement resplendissante que par le passé. Si son teint a pâli, s’est en quelque sorte un peu éteint, il a pris des délicatesses, une douceur de pétale mourant. Son visage a la fine et chaude couleur d’une rose-thé qui se velouterait d’un presque imperceptible pollen d’or. Sa bouche aux cruels et adorables arcs roses est toujours aussi fraîche. Tous ses traits ont gardé leur pureté. Je les revois pareils à ce qu’ils furent naguère — (y a-t-il plus ou moins d’un an ?) — oui, pareils, mais pourquoi leur harmonie d’ensemble est-elle différente ? — Il n’y a en elle aucun changement très marqué, — pourtant ce n’est plus la même femme. Bien que sa beauté ne présente rien de morbide — (loin de là : Irène semble plus forte, plus énergique ; il y a même dans son œil un éclat de fière volonté que j’ignorais) — bien que cette beauté n’ait rien que d’épanoui, de triomphant, de superbe, un peu dans le sens latin du mot, — je ne puis m’empêcher de sentir, au fond de moi-même, qu’elle a, je le répète, beaucoup souffert, qu’il s’est produit en elle une transformation à la suite de laquelle son essence intime s’est complètement al-