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…Mais ce Darcourt, — que j’avais justement choisi parce que je le croyais peu fréquenté par mes anciens compagnons de lycée, — est donc devenu le rendez-vous de tous ceux que j’ai rencontrés dans ma vie de collégien et d’étudiant !

Voici un Haïtien, Remilius Saint-Val-Antenax que je croyais à jamais terré à Port-au-Prince et qui reparaît au Quartier Latin pour six semaines : Il a du reste en poche son billet de retour pour Saint-Thomas et Puerto-Rico. Bon garçon et gai, comme la plupart de ses compatriotes, il cherche à me faire rire et n’obtient pour réponse à ses plaisanteries que mon nouveau refrain à peine modifié :

— Je suis désagréable !

Surpris et apitoyé, il s’oublie jusqu’à parler créole, lui, le puriste des puristes, — affirme que son « ché compé » a « gagné chagrin » (traduction : a été ensorcelé) — et s’en va bientôt, rêvant sans doute de « ouanga » et de sombres maléfices, mais tout brillant de la tête aux pieds, brillant de son chapeau de soie à ses bottines vernies, brillant de ses yeux d’agate noire, de ses dents d’émail neigeux, de sa face d’or sombre, de son « complet » de drap noir comme satiné, de son plastron de chemise pareil à un blanc firmament aux étoiles scintillantes, de ses mains baguées…..

Voici Dubousquet le médecin, Graindorge l’avocat, Galusky l’ingénieur ohnétien, les poètes Mauvel et Bonancourt, les peintres Croy, Luz et