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breuse partie de sa famille. Il y a là une dame à mufle léonin (la femme), un fils qui ressemble à un lionceau, tout roux, tout doré, tout frisé, une mince fille brune, taillée en plein bois et pareille à la célèbre poupée de Jeanneton et une vieille demoiselle au nez en éteignoir. L’ex-malade, figure fine, dédaigneuse et fouinarde, accueille Julien sans enthousiasme et me toise avec une malveillance évidente. Je l’ai connu, dans le temps, ce M. Jagre, dont j’ignorais, toutefois, la famille, — entrevu plutôt que connu — et n’ai pas cherché à me lier avec lui, sa personne confite dans le vinaigre m’étant médiocrement sympathique. Je me suis toujours étonné de l’affection que lui portait mon frère.

Quand Julien lui rappelle qu’il m’a déjà vu, M. Jagre semble sur le point de me tendre la main, — avec beaucoup de répugnance, — du reste. Il fait un effort, avance dans ma direction des doigts qui se replient comme des pétales de sensitive, puis après réflexion, au moment où je vais serrer sans brutalité ces réluctantes phalanges, retire résolument sa dextre et la cache entre deux boutons du plastron fermé d’une redingote élégante et étriquée comme son propriétaire.

Sans aucun doute, mon frère, trop lié avec l’exquis malade pour lui cacher un « ennui de famille », aura notifié à M. Jagre ma villégiature à Vassetot. Les autres membres de la tribu, également informés de ma déshonorante infortune, me