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grand plaisir. Devine qui m’accompagne, — qui va déjeuner avec nous ?

La figure d’Adrienne s’éclaire imperceptiblement. Ma belle-sœur aime à recevoir, ne fût-ce que pour faire briller ses talents de maîtresse de maison insuffisamment appréciés de mon frère, trop frivole. Très myope et sans coquetterie superflue, elle pose carrément à cheval sur son nez, d’une pureté de dessin et d’une épaisseur toutes grecques, un lourd binocle dont les verres ressemblent à de petits godets de cristal.

Malgré moi, j’ai fait un pas de côté et me trouve juste derrière mon frère :

— Voyons, Julien ! s’écrie Adrienne un peu impatientée, que signifie cette plaisanterie ? Tu sais bien qu’avec ta hauteur et ta carrure tu cacherais un groupe équestre s’il te prenait fantaisie de te placer devant !

Mon frère s’efface un peu et j’apparais aux yeux faiblement ravis de sa femme. Le binocle tombe et une expression d’ennui envahit tout le visage d’Adrienne. Néanmoins, toujours « femme du monde », elle esquisse un petit sourire de bienvenue si forcé que je regrette presque de n’avoir pas filé sur l’Amérique du Sud comme j’en avais eu, un moment, l’intention. Puis elle me donne une poignée de main qui me voue à de précoces douleurs rhumatismales. J’en ai l’onglée.

— Ah ! vous avez quitté… la campagne ? Je suis charmée, — (sa bouche se pince) — charmée de