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dans la peau et la maigre chair des autres ; au bout d’un espace de temps plus ou moins long, le sang coule. Alors, pris de frénésie, les Tkoukriens font un effort terrible, parviennent à dégager leurs bras et se déchirent mutuellement de leurs griffes en poignards ; des milliers et des milliers de cadavres s’affaissent et la corruption en est si prompte qu’au bout de peu d’heures ils se liquéfient et forment une sorte de boue. Moins d’une journée après la tuerie, des moissons d’êtres pareils mais plus faibles jaillissent du « limon organique ». La horde des forts qui ont survécu se rue sur cette pâture qu’elle dévore toute chaude de vie et la soûlerie de sang est telle que l’astre lui-même semble hurler dans l’espace. Mais toujours un grand nombre de « nouveaux venus » échappe au massacre, se met à croître terriblement vite et — tout recommence ! Nés en de pareilles conditions les habitants de Tkoukrah sont insexués. Ils ne peuvent connaître les consolations de l’amour et — ne vivant que du meurtre de leurs semblables, ils ignorent tous sentiments autres que la Haine ou la Peur. Le plus atroce c’est qu’en d’autres existences, sans doute avant une rétrogradation apparente (?), ils ont su la griserie de la tendresse partagée, du bonheur qu’il leur est impossible de retrouver dans leur milieu de rouge sanie. Et l’indistinct souvenir de douces aspirations satisfaites les torture épouvantablement. — T’en ai-je dit assez ?

— Oh ! certes ! oh ! certes… Car voici que les